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Photo du rédacteurRui Romano

Taoïsme (道教 dào jiào) -- partie de la conception

Avant le bouddhisme, et surtout à partir des Han, le taoïsme s’est défini par rapport à son rival, le confucianisme. Cependant, ces deux courants de pensée partagent l’héritage du fond culturel chinois, qui est beaucoup plus important que ce qui les sépare, et sont ainsi plus complémentaires qu’antagonistes. Les lettrés chinois les ont le plus souvent perçus comme deux moyens différents d’arriver au même but : la sagesse pour soi et la société. Chacun est efficace dans son domaine, et on peut très bien, comme le dit l’adage, être "confucianiste le jour et taoïste la nuit".

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Suivre la Voie


La recherche de la sagesse en Chine se fonde principalement sur l’harmonie. L’harmonie, pour les taoïstes, se trouve en plaçant son cœur et son esprit (le caractère chinois du cœur désigne les deux entités) dans la Voie (le Tao), c’est-à-dire dans la même voie que la nature. En retournant à l’authenticité primordiale et naturelle, en imitant la passivité féconde de la nature qui produit spontanément les "dix mille êtres", l’homme peut se libérer des contraintes et son esprit peut "chevaucher les nuages". Prônant une sorte de quiétisme naturaliste, le taoïsme est un idéal d’insouciance, de spontanéité, de liberté individuelle, de refus des rigueurs de la vie sociale et de communion extatique avec les forces cosmiques. Ce taoïsme des grandes chevauchées mystiques a servi de refuge aux lettrés marginaux, ou marginalisés par un bannissement aux marches de l’Empire, aux poètes oubliés, aux peintres reclus... et fascine aujourd’hui bien des Occidentaux.


Pour se libérer des contraintes sociales, le taoïste peut fuir la ville et se retirer dans les montagnes, ou vivre en paysan. Dans les Entretiens de Confucius, on trouve déjà cette opposition entre d’une part ceux qui assument la vie en société et cherchent à l’améliorer (les confucianistes) et, d’autre part, ceux qui considèrent qu’il est impossible et dangereux d’améliorer la société, qui n’est qu’un cadre artificiel empêchant le naturel de s’exprimer (les taoïstes), une dialectique peut-être analogue à la question de l’engagement de l’intellectuel.


Zhuangzi a des images frappantes : un arbre tordu, dont le menuisier ne peut faire de planches, vivra de sa belle vie au bord du chemin, tandis qu’un arbre bien droit sera coupé en planches puis vendu par le bûcheron. L’inutilité est garante de sérénité, de longue vie. De même l’occupant d’une barque se fera insulter copieusement s’il vient gêner un gros bateau, mais, si la barque est vide, le gros bateau s’arrangera simplement pour l’éviter. Il convient donc d’être inutile, vide, sans qualités, transparent, de "vomir son intelligence", de n’avoir pas d’idées préconçues et le moins d’opinions possible. Ayant fait le vide en soi, le sage est entièrement disponible et se laisse emporter comme une feuille morte dans le courant de la vie, c’est-à-dire : librement "s’ébattre dans la Voie".


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Non-agir


Le Dao De Jing est aussi un manuel de politique magico-mystique. Si on "non-agit" (wúwéi 無爲) la nature et ses dix mille êtres croissent et se multiplient. Si on ne cherche pas à gouverner les hommes, ils s’auto-organisent spontanément de la meilleure façon possible. Cette idée qui peut sembler libertaire doit être remise en contexte.


D’un côté, elle se fonde sur l’antique croyance chamanique d’une action efficace du Prince par le jeu des correspondances entre les microcosmes et le macrocosme. Ainsi le simple fait pour celui qui dispose du Mandat du Ciel de décrire dans sa maison la suite des saisons en déménageant régulièrement d’une salle à l’autre, assure que la pluie viendra à son heure féconder les champs, que l’hiver durera le temps voulu, etc.


L’inaction apparente n’empêche pas l’action effective. Si la circulation saisonnière dans sa maison assure la bonne marche de l’empire, c’est parce qu’il y a "résonance" et effet d’entraînement — ou d’engrenage — entre la maison du Prince et son empire. C’est-à-dire que la maison du Prince est conçue comme une représentation homothétique du monde. D’ailleurs, les éclipses, famines ou inondations sont interprétées aussitôt comme un dérèglement des mœurs dans la maison du Prince.


D’autre part, cette idée d’une inaction efficace a pu être prônée par des penseurs plus rationnels, quand ils souhaitaient contenir les caprices des princes et limiter leurs dégâts sur le peuple.


L’activité de certains artisans est minutieusement décrite par Zhuang Zi. Il montre un boucher ou un charron qui ont acquis la plus grande maîtrise de leur art après des années d’apprentissage, mais surtout, ils peuvent oublier les règles et la matière qu’ils travaillent, conduits par le Tao. Ils laissent les gestes et leur corps opérer seul, sans intention consciente de la volonté. L’art le plus humble permet à tous d’atteindre un absolu. Le confucianisme préférait restaurer les hiérarchies : "Même subalternes, tous les arts et les places sont respectables. Mais à trop vouloir y chercher, on s’y enferme. L’honnête homme n’aura pas de métier."


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